14 juin 2013 22H Enghien-les-Bains 14 June 2013 10 pm

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Photo 1 Georg

« Le sens de la vie personnelle est de retourner à l’enfance, ou plutôt de faire apparaître à nouveau l’enfant qui jamais n’a disparu ».

Clara vient de me donner une leçon. La première depuis notre rencontre à Rome l’hiver dernier. Je crois que la chanson qu’elle a interprétée lui a fait du bien. En fait, je n’ai évidemment pas voulu le dire publiquement, mais il a fallu la traîner à Enghien. Ca peut se comprendre. Depuis plusieurs mois elle ne rencontre pratiquement plus personne. Elle passe entre les événements, comme elle passe entre les gens, en se cachant, en portant des lunettes noires. Si elle a retenu une seule phrase des lettres que je lui ai données à lire, elle a su la redire par cœur exactement quand il le fallait cette phrase clef de Groddeck.

Photo 2 Georg

 

Elle a dansé, le canotier penché sur son front de manière canaille. Elle a trop bu, elle a trop ri. Je l’ai entendue glisser à l’oreille de Triny Prada qui possède aussi un très joli chapeau que son canotier à elle était authentique : « C’est celui de Maurice Chevalier. Un cadeau de mon grand-père. Il l’a acheté pour mes vingt-sept ans dans la vente du Casino de Paris ». Est-ce qu’il faut vraiment la croire ?

J’étais vraiment ému quand elle a évoqué la Tour Eiffel. C’est une partie de son enfance. Elle est la seule de nous quatre à connaître les bords du lac. Elle y est venue avec ses parents la première fois quand elle avait dix ans.

« Paris, mon Paris t’as changé de physionomie  / Tes rues sont calmes et tes taxis / Sont à la retraite / Dans l´avenue du Bois / Les femmes, avec leurs souliers d’bois / Quand elles marchent sur les pavés d’bois / Font des claquettes. »

En choisissant cette chanson de 1942, elle voulait peut-être évoquer pour les villes allemandes présentes les rapports un peu trouble que la Miss a su entretenir avec l’Allemagne comme espionne pour l’amour de son amant au canotier. Mais je crois qu’elle voulait surtout dire que Paris est un de ses ports d’attache. Un des rares auquel elle tient, peut-être.

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The meaning of your personal life is to return to childhood, or rather to appear again as the child that never went away.”

Clara has just taught me a lesson, the first since our encounter in Rome last winter.  I think the song she sang did her some good.  In fact, I obviously didn’t want to say it out loud, but I had to drag her to Enghien.  She practically hasn’t seen anyone for several months.  She flits between events like she flits between people, concealing herself behind dark sunglasses that disguise her more than she can imagine. Though she has remembered just one phrase from Groddeck’s letters, which I gave her to read, she can repeat it perfectly by heart when and where the need arises.

She danced, the straw boater perched jauntily on her forehead.  She drank a lot and she laughed a lot.  I heard her whisper in Triny Prada’s ear that her hat was authentic.  “It’s Maurice Chevalier’s, a present from my grandfather. He bought it me for my twenty-seventh birthday at the Casino de Paris auction.”  Is that really true?  I was strangely moved when she spoke of the Eiffel Tower.  It’s a part of her childhood.  She is the only one among the four of us to have seen the banks of the lake before.  She first went there with her parents when she was ten years old.

« Paris, mon Paris t’as changé de physionomie  / Tes rues sont calmes et tes taxis / Sont à la retraite / Dans l´avenue du Bois / Les femmes, avec leurs souliers d’bois / Quand elles marchent sur les pavés d’bois / Font des claquettes. »

Paris, my Paris how different you seem / Your streets are calm and your taxis / Are now retiring / On the Bois avenue ,/ On the wooden pavements walking through, / The women, in wooden shoe,  / Seem to be tap-dancing.

By choosing this song from 1942, perhaps she wanted to evoke for the German towns present the fairly strained relations that Miss held with Germany as a spy, for the love of her man with the straw hat.  But I think she meant most of all that Paris is a haven to her. Perhaps the only one she has.

Photographies : Loiez Deniel et MTP