2 juillet 2013 minuit Tuoro sul Trasimene 2 July 2013 Midnight

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La maison où je vais dormir cette nuit est calme. J’avais promis de m’y arrêter pour parler un peu avec Lorenzo, mais il ne rentre que demain dans la matinée. Je suis sorti sur la terrasse lorsque la nuit tombait sur le lac. Je sais que je fais des zigzags alors que je j’aurais pu facilement rejoindre mon but au plus court par la côte tyrrhénienne ou bien encore mieux, par Orvieto. Mais j’ai certainement encore besoin de faire le point – ou plutôt le plein – avant ma prochaine série de rendez-vous un peu difficiles. Ce Lac de Trasimène est chargé d’histoire et de murmures. Il sait capter et retenir les brouillards, comme il a su dérouter et ensevelir les armées de la République romaine.

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Je ne vais quand même pas dire que je rends chaque fois un hommage à Hannibal et tout autant aux défenseurs de la République qui ont digéré leur défaite et ne l’ont pas laissé conquérir ma ville, la Rome figée où je vis. Mais j’ai chaque fois l’impression qu’ici l’histoire peut de nouveau basculer, que le temps s’y déplace en permanence. J’en ai parlé à Valery qui connaît l’endroit et a rencontré également Lorenzo. Je viens de traverser la campagne siennoise avant de choisir cette étape intermédiaire où j’ai fait en sorte d’être attendu. Il y a des tableaux que j’aime tellement que j’ai réellement du mal à me détacher de la vision que m’en ont offerte certains de mes amis.

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J’ai constamment pensé aujourd’hui à Giovanni Crescimanni et à cette interprétation laiteuse, solaire et ferrugineuse à la fois qu’il a donnée des paysages du « Buon Governo » des environs de Sienne. J’ai en permanence sur ma table les reproductions de ses paysages les plus abstraits. Ils savent établir un dialogue apaisant avec l’un de mes malades les plus étranges qui pense régulièrement être la réincarnation de Dante. Il a pris en amitié les « Crete senesi » et la vue de « Rapolano » de Crescimanni et peut m’en parler des heures avec une fascination non feinte avant de prétendre retourner dans un des cercles infernaux. Il a encore un poste de recherche en mathématique à l’Université La Sapienza, mais il y a longtemps qu’on ne lui laisse plus approcher les étudiants. J’étais très étonné que les interprétations que Clara a donné des « Fantasiestücke » de Robert Schumann dans la pièce voisine l’aient tellement troublé. Ce constat a provoqué des conversations animées entre lui et Clara. Des cercles, des encerclements musicaux, des barrières de protection, ma foi pourquoi pas ? Je devrais m’y réfugier quelques fois, moi aussi au lieu de m’exposer à la moindre cruauté de certains malades !

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The house I am sleeping in tonight is quiet. I had promised to stop off at speak to Lorenzo for a bit, but he only gets back tomorrow morning. I stepped out onto the terrace while night fell over the lake. I know I am zigzagging a bit, when I could have easily reached my destination on a much shorter path along the Tyrrhenian coast, or even better, via Orvieto. But I still had the definite need to take stock – or rather stock up – before the fairly difficult next series of appointments. Lake Trasimeno is full of history and whispers. It knows how to capture and retain the fog, like it new how to divert and bury the armies of the Republic of Rome.

I will not say that every time, I pay tribute to Hannibal and just as much the defenders of the Republic who accepted their defeat and did not let him conquer my city, this Rome so quiet where I live. But each time, I have the feeling that here, history can change again, that time is in a constant shift here. I spoke about it with Valery, who knows this place, and has also met Lorenzo. I have just crossed the Sienese countryside before choosing this midway stopover, where I felt somehow expected.

All day today, I have thought about Giovanni Crescimanni, and his milky, sunny, ferruginous interpretation of the landscapes of the “Buon governo”, the Siena countryside. I always have reproductions of his most abstract landscapes on my table. They have a calming effect on one of my stranger patients, who often thinks he is Dante reincarnated.  He has befriended Crete senesi and the view of Rapolano by Crescimanni, and can speak to me for hours about them with an intense fascination, before claiming to return to one of the circles of Hell. He still has a mathematics research post La Sapienza University, but it has been a long time since he was allowed near students. I was very shocked that Clara’s interpretations of Schuman’s Fantasiestücke had troubled him so. This had given way to animated conversations between him and Clara. Circles, musical encircling, barriers of protection, well why not?  I should have taken cover myself at times, instead of exposing myself to the slightest cruelty of some sick people!

2 juillet 2013 10H Sienne – Siena 2 July 2013 10. am

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Je ne prends pas assez de temps pour visiter les expositions. Mais depuis que Valery m’a – nous a pour être plus exact – recommandé de prendre des photographies ou d’en collectionner, je considère le travail des photographes avec plus d’attention.  « Voyage à l’intérieur de l’homme », l’exposition de Steve McCurry fait le tour du monde et la photographie de la jeune afghane prise près de Peshawar au Pakistan en 1984 est devenue une icône moderne qui orne les couvertures des principaux ouvrages sur le photojournalisme.

Je sais aussi combien l’EDITEUR porte d’intérêt à ce photographe de Philadelphie qui a voyagé dans le monde entier. Mais j’ai découvert également les photographies de femmes éthiopiennes dont les colliers ornent des corps de vierges sauvages et les restituent dans leur scandaleuse beauté. J’emporte le catalogue avec moi faute de pouvoir acheter les originaux.

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I do not make enough time to visit exhibitions. But since Valery recommended that I – that we, to be exact – take or collect photographs, I have been looking closer at the work of photographers.  Voyage around Man, the Steve McCurry exhibition, goes around the world, and the photograph of the young Afghan girl, taken near Peshawar in Pakistan in 1984, has become a modern icon, adorning the covers of the major works on photojournalism.  I also know how much the PUBLISHER is interested in this Philadelphian photographer, who has travelled the world over.  I also found photographs of Ethiopian women whose necklaces adorn their wild virgin bodies, and restores them in their scandalous beauty.  I have taken the catalogue with me, for lack of being able to buy the originals.

1er juillet 2013 23H Sienne – Siena 1st July 2013 11. pm

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Je n’ai pas manqué la visite de l’exposition de photographies à Santa Maria della Scala. J’y retourne chaque fois par intérêt pour l’architecture, pour y revoir les fresques du Pellegrinaio de Domenico di Bartolo, Pietro d’Achille Crogi, Priamo della Quercia et Lorenzo Vecchietta.

Je dois avouer qu’il s’agit aussi pour moi de maintenir le souvenir respectueux de ma grand-mère qui m’a fait ouvrir des portes bien cachées et des couloirs oubliés en 1968 quand Cesare Brandi a attiré l’attention du monde entier sur le caractère unique de ce bâtiment devenu un hôpital déliquescent.

Trente années après, c’est le Recteur Omar Calabrese qui m’en a offert les détails, pas à pas, à chaque fois qu’un mur récent tombait en découvrant une fresque inédite. Il m’a aussi appris au centre de quel dispositif territorial les moines tenaient cet édifice d’accueil pour les pèlerins. Une échelle de ferme, de moulins, de boulangeries…et un lieu de repos sacré qui ne négligeait pas les placements bancaires de l’argent que les pèlerins déposaient pour le retrouver à leur retour de Rome. Je ne suis pas arrivé à faire mon deuil de la disparition de mon ami sémiologue il y a un peu plus d’un an. J’ai aussi beaucoup appris à lire avec lui les détails de l’accueil des pèlerins, le récit des soins, la manière dont toute une économie est née dans ce lieu devenu une des principales étapes du monde chrétien. L’innovation dans les soins psychologiques ne peut naître que de ce type de rencontre qui apporte des solutions du passé tout à fait adaptables aux nouvelles approches de la médecine douce. Je suis chanceux que mon histoire familiale soit passée par ici.

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I managed to see the photography exhibition at Santa Maria della Scala.  I go back every time out of interest in the architecture, to again see the frescoes of Pellegrinaio de Domenico di Bartolo, Pietro d’Achille Crogi, Priamo della Quercia and Lorenzo Vecchietta.

I must admit that for me it is to keep alive the respectable memory of my grandmother in these places, for she opened hidden doors and forgotten passageways in 1968 when Cesare Brandi brought the unique character of this decaying building, which became a hospital, to the world’s attention.

Thirty years later, it is Rector Omar Calabrese who has shown me its detail, step by step, every time a wall has come down to reveal a newfound fresco.  He also told me of how at the centre of this set-up, the monks held this building to receive pilgrims. A stretch of farmyard, windmills, bakeries… and a sacred place to rest that did not ignore the money investments that pilgrims deposited there to recover it on their return from Rome. I did not manage to mourn the passing of my semiologist friend just over a year ago.  With him, I also have learnt a lot about reading the details of the reception of pilgrims, the story of treatments, the way in which an entire economy was born in this place that became one of the main stops in the Christian world.  Innovation in psychological care could only arise from this type of encounter, which brings up solutions from the past that are perfectly adaptable to new alternative medicine approaches.  I am very fortunate that my family history passes through here.

1er juillet 2013 midi Sienne – Siena 1st July 2013 Midday

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Sienne octobre 2004 15 MVC-003S

J’ai fait escale à Sienne hier soir et je vais y passer une soirée supplémentaire. J’applique le principe de la lenteur. Je ne veux pas rentrer d’un coup, même si ma voiture et l’autoroute me le permettraient. Sienne est une ville qui fait partie de mes étapes obligatoires. Je me dois de jeter un coup d’œil de temps à autre à l’appartement que ma grand-mère avait acheté et qu’elle a habité pendant ses dernières années, réservant la propriété de Greve in Chianti que j’aime tant pour y installer un agritourisme.

Elle confia le domaine à des amis universitaires qui ont tenté avec plus ou moins de succès – les néo-ruraux ont parfois des prétentions extravagantes – d’y entretenir des vignes et des oliviers et d’y introduire la culture du piment. C’est cette dernière qu’ils ont réussi le mieux. Ils vendaient des conserves de piments de toutes les catégories, de la poudre pour la cuisine et servaient un chocolat pimenté tout à fait exceptionnel. Mais la concurrence est rude et ils ont dû passer un accord commercial avec la famille Cappellini qui a relancé avec tellement de succès la magnifique propriété de Giovanni da Verrazzano, le découvreur de la baie de New York. Leur vin est célèbre dans le monde entier, comme le nom de la propriété du grand ancêtre, un des Toscans les plus célèbres. Je m’y suis arrêté un instant hier pour revoir Luigi Giovanni avec lequel j’ai joué quand j’étais enfant.

Je suis bien sûr reparti avec une caisse Chianti Classico Riserva et trois bouteilles de Vin Santo, symbole de nos souvenirs d’adolescents. Je me souviens qu’un été, nous avions décidé de faire courir des coqs noir et blanc en voulant nous partager un territoire pour nos jeux et pour nos conquêtes. Mais nos animaux étaient, contrairement à la légende du concours historique entres les Siennois et les Florentins, tous en pleine forme et personne n’a voulu nous départager, sinon la voiture qui en a écrasé plusieurs !

Sienne octobre 2004 8 MVC-002S

I stopped over in Siena last night, and I am going to spend an extra evening there. I am applying the principle of slowness. I don’t want to return straight away, though my car and the motorway would enable me to do so. Siena is one of my essential stopovers. Every now and then I have to go and look at the apartment in which my grandmother spent her final years, saving her Greve in Chianti property that I love so for setting up an agritourism site on it.

She bequeathed the estate to some university friends who tried with varying levels of success – these neo-rurals sometimes have extravagant ambitions – to maintain vines and olive trees, and to introduce pepper cultivation there. They succeeded most with the latter.  They sold all types of pepper conserves, powder for cooking and served an extremely exceptional spicy hot chocolate. But competition is fierce, and they had to sign a business agreement with the Cappellini family, who so successfully relaunched the magnificent property of Giovanni de Verrazzano, discoverer of New York Bay. Their wine is famous the world over, like the name of the property of the great ancestor, one of the most famous Tuscans. I stopped off for a moment last yesterday to see Luigi Giovanni again, who I played with as a child.

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I of course left with a case of Chianti Classico Reserva and three bottles of Vin Santo, a symbol of our childhood memories.  I remember one summer, we decided to race black and white roosters, wanting to divide a territory for our games and conquests.  However, contrary to the legend of the historic race between Sienese and Fiorentini, the roosters were all in a fine shape and nobody wanted to decide between us, except the car that flattened a few of them!